Film: Wanted

Frederico () a dit:
Un peu n'importe quoi mais pas mal par bribes.

Il y a quand même un truc complètement paradoxal dans le film. Le héros vante l'auto-affirmation alors qu'il est en fait le représentant de l'inféodation aux lois du Destin. Celui qui s'affirme, qui brise le carcan, c'est Sloan, alors que Wesley qui pense briser le carcan en échappant à sa condition de comptable ne fait que se le passer autour du cou. Le père à donc un rôle ambigu, vu qu'il dénonce la prise de pouvoir de Sloan tout en tentant de faire échapper son fils à son destin.

En gros... au niveau du scénario c'est aussi un peu n'importe quoi.


Charles-Antoine () a dit:
Plutôt une étoile et demi, mais pour aller vite: entièrement d'accord avec l'ensemble des commentaires très pertinents émis par mes prédécesseurs, notamment sur l'inégalité du film, le manque de lisibilité de certaines séquences (surtout la première poursuite automobile), le côté bâtard du filmaking, qui peine à s'extraire de son entreprise de recyclage tous azimut, l'intérêt des séquences ferroviaires, les résonance maçonniquo-rosicruciennes, etc.

Une réserve cependant: si Matrix et Fight Club constituent bien la toile de fond de cette intrigue, le discours de Wanted diffère à deux niveaux fondamentaux. Il y a d'une part une ultime reconnaissance d'un déterminisme (la loi du métier à tisser), un peu comme si Neo acceptait la Matrice telle qu'elle est, tout en s'érigeant en héros suprême de cet univers dont il maîtrise les codes. Et d'autre part, contrairement au personnage de Norton dans Fight Club qui fonde sa trajectoire identitaire sur un rejet de la figure du père, le héros joué par McAvoy l'embrasse lui complètement (quel que soit ce père!).

Cela ne rend pas le discours plus sympathique, mais ça a le mérite de lui conférer une once de singularité...


Laurent () a dit:
Gros gaspillage irritant de corps intéressants (outre la Jolie de synthèse, il y a l'attachant acteur d'Atonement) et d'effets spéciaux pas trop ratés, mais qui n'ont rien de bien original à montrer (sauts décomposés Matrix, gunfights d'un autre âge… ah oui le train, belle chute c'est vrai), et de l'un des plus beau décors urbains du monde (Chi-ca-go!) Les belles envolées néo-Feuillade sur les toits du métro aérien ou poursuites pyrotechniques excessives, surtout au début, ne sont pas totalement détestables, mais sont malheureusement ruinées, méthodiquement, par de bien pauvres effets de signature (le fond de commerce de ce réalisateur, soyez prévenu, c'est le boudin) et, surtout, l'incapacité à penser l'action au-delà de schémas explorés par John Woo, les Wachovski, Tony Scott ou Luc Besson, il y a une dizaine d'années (et je suis gentil…)

Outre les turpitudes narratives, voire narratologiques (cf Vincent), le plus écœurant pour moi, c'est la fallacieuse remise en question du monde qui s'opère aux trois quarts du film et qui a temporairement fait naître en moi l'espoir d'un film meilleur,

un film qui aurait donc dit, si l'on suit le pseudo-revirement auquel je fais allusion : «En fait ce discours de merde, cette violence cheap, cet univers vu et revu d'Avengers crypto-NS et rosicruciens sur les bords…, bref tout ce qu'on vous balance à la gueule depuis le début, eh bien… ah ah aaaah, tout cela était volontairement de la merde, destiné à opérer une forme de révélation/déniaisement chez les spectateurs comme chez le héros mâle, poussé à demander enfin le remboursement immédiat de son stage de remise en forme façon «la société des métèques et des femmes a fait de moi une tarlouze aliénée mais je vais leur prouver que j'ai des muscles comme papa»).

Fausse remise en question, disais-je: en fait, c'est bien l'inverse, on réaffirme bien l'antienne phallocrato-nazillo-cathare exposée jusqu'alors; elle se trouve même, in fine, portée aux nues, en fanfare pourrait-on dire, avec l'élimination très festive d'un super-métèque (Obama?) et le sacrifice très touchant d'une femme (Hillary?) et l'anti-héros devenu surhomme de ses désirs se retrouve dès lors («retrouve» au sens littéral - «I'm back» dit-il, le pourtant néo-couillu de service) dans une chaise à la Rear Window revisité Tonton Flingueur (McCain?)

Certes (cf Vincent bis), ce dernier plan renvoie à une autre forme de position passive, qui n'est plus celle du comptable, mais la posture, au-delà du ciné-spectateur, du surfeur mateur (nous, quoi, comme le film nous le rappelle, arborant un petit sourire vertigineux très early nineties). Mais le film se rend-il compte vraiment de la boucle sur lui-même qu'a effectué le personnage?




Vincent () a dit:
Très très très inégal... avec quelques idées plastiques excellentes, soudain, qui émergent d'un truc sinon pas très "lisible". Mais j'ai aimé le renouvellement mécaniciste du mythe des Parques, certaines bribes de séquences d'action (notamment celle du train en Moravie, ou la longue traversée de l'atelier de tissage où les méchants tombent comme des mouches).

Je passe sur le "message" du film – prends ton destin en main –, que surpasse nettement la devise de "Dodgeball" (prends la vie par les couilles). Et l'idée que, pour trouver son "real inner self", il faut se retrouver dans l'exacte position de son paternel adoré, être (presque littéralement) dans sa peau.

L'intérêt du film (et en même temps sa faiblesse, peut-être) réside dans son côté très "Matrix", et pas seulement à cause des special FX... plutôt parce que c'est le même récit d'un gars sans histoire, frustré, se demandant si c'est ça la vraie vie, et qui se retrouve d'un coup d'un seul dans la position de l'élu (avec les mêmes séquences d'entraînement, en plus crade, chaperonné par une femme-ange noir), élu qui va faire péter en fin de compte l'envers du décor qu'on lui a révélé. Même dynamique narrative également, qui voit le héros à chaque fois passer d'une situation disphorique à une situation euphorique, pour retomber à chaque fois plus bas, mais, pour finir, se relever définitivement, à la condition d'envoyer balader à la fois la réalité mesquine ET le rêve héroïque. Car tout ça en somme n'était qu'un fantasme né d'un désir d'une vie entièrement consacrée aux pulsions fondamentales (Thanatos, surtout, et Eros un poil), diamétralement opposée à celle, tout à fait insatisfaisante, d'une médiocrité née du refoulement (via la pharmacopée notamment). L'ultime séquence du film, ainsi que les deux dernières répliques (en voix over, puis regard caméra et adresse au spectateur allocutaire) imposent à mon avis indéniablement cette interprétation – tout ce que l'on vient de vous montrer n'est qu'une boucle imaginaire, qui revient à peu de chose près au point de son déclenchement, lorsque le héros se demande qui il est (rien) et ce à quoi pouvait bien penser son père en disparaissant de sa toute jeune existence (premier moment onirique, repris à la toute fin du rêve, avec, précisément échange de rôles, le fils étant cette fois à la place de son père).
Ce dernier retournement (il y en a d'autres) justifie les invraisemblances de ce qu'on nous a montré – j'entends non pas tant les défis aux lois de la physique (qui sont un motif propre au genre du film) que l'absence réelle de motivation interne à la diégèse de ce qu'on nous présente... disons l'immense décalage entre la dimension épique de l'aventure (on nous parle d'une société secrète d'assassins qui a plus de 1000 ans, nom de Zeus) et le fait que cette aventure ne se réduise en fin de compte qu'à une sorte de Bildungsroman (qui chie, certes), où le héros décide enfin seul de son destin (alors que, dans le rêve héroïque, il restait un pion, position tout aussi insatisfaisante). En fait, c'est "Matrix" qui rejoint "Fight Club" (ou "Stay"). Et c'est aussi la faiblesse du film... comme tout film qui, en fin de compte, vous a fait croire qu'il vous révélait un truc hallucinant, mystérieux, excitant, troublant, alors que ce n'était que l'envers de la psyché du héros...