Film: John Rambo

Frederico () a dit:
Je ne suis pas d'accord avec Laurent sur le choix du contexte. Les Karens, comme, soit dit en passant, les Degars, ont été abandonnés par l'occident. Les premiers ont combattus en Birmanie aux côtés des anglais durant la seconde guerre mondiale et les seconds aux côtés des américains durant la guerre du Vietnam. Les deux ethnies en paient le prix fort depuis la fin de ces deux conflits.

Si le film est une charge appuyée contre l'angélisme, affirmant que parfois pour changer les choses il faut se battre, même si c'est dégueulasse (la preuve par multiple démembrements gore à l'appui), il vante aussi une certaine noblesse du combattant. Rambo, figure du soldat doublement abandonné par les siens (comme vétéran puis comme prisonnier de guerre), lui, une fois impliqué, n'abandonne personne. C'est là que le théâtre des opérations compte: Rambo, contrairement aux anglais, va se battre pour les Karens. Dans cette logique, ce n'est pas anodin que ça soit la bombe anglaise qui, sous l'impulsion de Rambo, finisse par faire ce qu'elle aurait dû faire: exploser.

Dans son exposé, le film s'inflige quand même un auto-goal. Pour dire qu'il existe des situations manichéennes avec lesquelles on ne devrait pas prendre de pincettes, je pense qu'il est tout-à-fait superflu de forcer le trait à coups de pédophilie et autre "god-less bastards". La junte se débrouille très bien toute seule.

Sinon, on ne peut qu'admirer le choix de faire un film sec comme un coup de trique.


Jean-Luc () a dit:
Deux et demi, je pousse à trois pour la concision, qui fait du bien en ces temps d'hypertrophie batmanienne.


Laurent () a dit:
Le grand retour de Stallone, décidément, après son si touchant Rocky Balboa.

Même idée nostalgique ici, mais traitée sur un mode politico-identitaire US en porte-à-faux avec les affectations cloono-renditiono-elahiennes qu'on nous inflige depuis une année ou deux, à savoir une belle mouture «Casablanca Meets L'Arche de Zoé» qui assume son point de vue idéologique («Rambo, aidez-nous à traverser la rive, nous voulons aller aider ces pauvres villageois massacrés quotidiennement!» - «Apportez-vous des armes?» - «Non, bien sûr, Jésus l'interdit!» - «Alors, rien ne changera!» Le nouveau Messie ne doit pas tendre l'autre joue, mais dégainer sa mitrailleuse!

Sur cette base interventionniste anti-humanitaire hardcore et sa vision bien caricaturale de l'Autre (vermine chiourme sadique, et même pédéraste pour le chef!), évidemment remplie de contradictions, Stallone développe tout simplement le meilleur film d'action de ces dernières années. J'ai dit «film d'action», pas blockbuster, pas film d'aventures, pas thriller, mais «film d'action», au sens le plus profondément exploitation «Italia Ottanta» que le terme recouvre. Cette histoire de barbouzes infiltrées dans la jungle birmane paraît actualiser tous les fantasmes de Lenzi, Margueriti, Deodato, etc. avec ce hachage ultra-gore permanent des corps, cette constance appliquée dans la brutalité obscène et gratuite, cet attachement presque désespéré à une forme d'héroïsme cynique sans gloire… Ne manque, au détour d'un palmier, qu'une sympathique tribu de cannibales, mais rassurez-vous, les porcs anthropophages sont bien au rendez-vous…

Court, jouant à coup d'ellipses salutaires vers une forme à la fois nerveuse et élémentaire (après l'exposé, ne demeure que la trajectoire du commando), ce John Rambo est hallucinant d'efficacité spectaculaire. Il abuse peut-être de la figuration Ryan-Spielberg des combats en lumière désaturée, mais cette systématisation des mêmes effets convainc en fin de compte par sa capacité à maintenir un rythme haletant qui ne cesse d'accuser sa discontinuité (des sautes dans les courses aux impacts saccadés des balles qui tranchent les chairs - oui, ce film fera date dans la représentation des gunfights, en nous rappelant que les armes à feu sont en fait des armes blanches!)

et nous reparlerons certainement de cette fin empreinte de circularité par rapport à la traumatologie liée au retour éternel du vétéran vietnamien. Et qui permet de regarder la série entière en boucle! Principal regret, certainement conséquent à la pression mise par Hollywood sur l'idéologie néo-con: avoir évité le débat en ne situant pas le film dans un cadre plus polémique (Irak, Darfour…)

Merci, Sylvester, pour ne pas s'être foutu de notre gueule, comme tant d'autres!





Robert () a dit:
Le film dure 77 minutes générique non compris ce qui est peut-être son meilleur atout

Un retour à la sécheresse des films 70-80' certes mais avec tout ce que cela comporte de négatif aussi (d'accord avec Fred' à propos du discours vraiment too much sur la junte...)

La violence est extrême mais tellement dé-réalisée qu'elle ne nous touche que rarement; les effets spéciaux des films 70-80' savaient eux rendre les scènes viscérales; le rapport au corps de l'acteur a vraiment changé avec le numérique


Vincent () a dit:
Moins intéressant que le dernier Rocky en termes de relecture d'un personnage de série (ce précédent film de Stallone était vraiment brillant en termes de strates métaénonciatives) – ça se limite à une scène de cauchemar où des flashes des opus antérieurs sont catapultés les uns sur les autres, façon mashed potatoes, et quelques vagues références à un lourd passé du personnage. Rambo lui-même est traité de façon moins complexe que Rocky (là encore, il y avait un travail autour d'un corps vieilli, de la nécessité d'adapter un entraînement pour parvenir à un objectif); Rambo avec 25 ans de plus reste Rambo; et il hésite finalement assez peu à se lancer dans la bagarre. Enfin, le massacre faudrait-il dire.
C'est LE point fort du film: une représentation hallucinante de la vulnérabilité du corps humain, dont les molécules explosent, virevoltent, se liquéfient sous l'action de monstres bastos dont on ne sait plus pour finir d'où qu'elles viennent, les jolies. Plus que d'un souci de "réalisme", j'ai le sentiment que ces scènes hallucinantes de carnage (presque insoutenables parfois) empruntent au jeu vidéo (House of the dead, anyone?) dans cette figuration de la dislocation des corps.
Sinon, heu, j'ai pas compris la fin, ou l'épilogue. Celui-ci est en tout cas faiblard au vu des scènes qui la précèdent (Rambo returns home, to see his daddy), et surtout, j'ai eu le sentiment qu'il contredisait la conclusion du chaos final: une longue séquence de regards échangés entre héros, où Rambo semble dire: "Vous voyez, j'avais fucking raison, la vie, c'est la war permanente, et rien n'y changera rien, c'est massacrer ou être massacré". Et paf, d'un coup d'un seul, le voilà sur sol américain, les cheveux propres, avec un air serein et réconcilié avec le world... Pas compris.