C'est très laid et le livret est juste imbuvable à part quelques duo et le thème "Worst Pies of London". Mais un récit qui tout en respectant son programme à la lettre nous surprend quand même par sa noirceur, un Grand Guignol assumé jusqu'au bout, des seconds rôles truculents et un sens de l'astuce dans l'écriture qui bien que convenu pour ce type de produit reste efficace, sauvent malgré tout le film du naufrage. J'étais prêt à mettre deux, mais pour pondérer l'enthousiasme un peu débridé des autres grottiniens et punir un script qui se permet de laisser en plan Joanna et le jeune marin, je ne mets que une étoile. |
Je partage l'enthousiasme collectif avec néanmoins quelques réserves sur le plan du scénario, moins bétonné qu'à l'accoutumée |
Cinq étoiles, six étoiles pour cette merveille! Vive Stephen Sondheim, vive Tim Burton, vive Johnny Depp, vive Warner, vive tout le monde ayant travaillé sur cette production de rêve qui rejoint Don Giovanni de Losey et la Flûte enchantée de Bergman au Walhalla des grands films-opéras! Certes ce Sweeny Todd s'avère moins “conceptuel“ que les deux précités - mais nous ne sommes plus dans du cinéma conceptuel, et Burton c'est avant tout du grand gamin-Grand Guignol et rien de plus (heureusement). Mais ce même Burton aboutit là d'une part à une sorte d'apogée en ce qui concerne la part gothique de son «univers» (les 3/4 de son œuvre), en proposant la synthèse de sa démarche - on y retrouve en effet le meilleur du design et des silhouettes de Batman Returns, d'Edward Scissorhands, du Cavalier sans tête, et même la problématique auschwitzo-michaeljacksonienne du médiocre Willy Wonka! L'histoire et la figure principale cernent surtout d'une manière emblématique différents aspects essentiels de la question du traumatisme que Burton - et le cinéma américain contemporain - ne cessent de travailler: à nouveau l'homme aliéné par la machine, la dualité du Père, le serial-killing, etc. Et d'autre part Burton renoue avec le liant épuré et énergique de ses films d'animation musicaux, avec une différence de taille (le choc est perceptible dès les premiers accords, j'en frémis encore): quelle joie d'entendre autre chose que de la «musique de film»… de sentir vibrer ce rapport inversé où la partition impose désormais son rythme au cinéma (le tire littéralement vers le haut, vers le sublime en fait, même durant les quelques contours mélodiques les plus «Broadway», heureusement toujours bluenotisés ou diminués sur le fil par un compositeur de génie) et de pouvoir constater que le film y gagne paradoxalement une dimension supplémentaire, grâce à la musicalité et la concision du récit - quasi perfection de la structure narrative - d'un score et d'un livret MON-STRU-EUX!!! Mon Dieu, que ces acteurs sont incroyablement bien castés - que ça grimace bien! : outre les premiers rôles, je vous recommande en particulier Timothy Spall et Sasha Baron Cohen! Au plan du passage de la scène à l'écran, les options de réalisation sont originales, profondes, puissantes: la traversée fantasmatique de Londres par le barbier ivre de vengeance, après l'échec du premier meurtre; le rêve fleur bleue de sa logeuse - brillamment revisité façon Brighton-Mondino par Burton; et surtout l'implacable montage alterné sur «Johanna» avec la confrontation des univers gore et amoureux - je veux revoir cent fois le film en salles, ne serait-ce que pour cette séquence (larmes aux yeux… j'arrête et j'y retourne!) Sept étoiles, huit étoiles! |
Que dire après la critique de lolo... |
J'ai été époustouflé par la beauté et l'efficacité de la musique. Même les mélodies les plus niaises (I feeeeeeeeeel youuuuuuuuu Johaaaaaaaaaaaanaaaaaaaaaaa) prennent une autre dimension dès lors qu'elles sont reprises, plus tard, dans des moments de duo vraiment exceptionnels. Mention spéciale pour la (les) scène(s) Todd/Turpin. Le film vaut également par la qualité de ses textes (pas seulement des chansons, le reste des dialogues aussi). Et bien sûr sa dimension tragique, le bras vengeur finissant par frapper celle que l'on voulait venger... (Pour les bédéphiles: ça m'a fait penser à "Watchmen", plus précisément à la BD de pirates dans la BD...) En revanche, ça reste un film de Burton. Donc c'est filmé presque avec les pieds, avec très peu d'idées cinématographiques (je ne parle pas, bien sûr, de cet univers si peeeeerrrrrsonnelllll de gothique attardé, qu'on apprécie toujours autant). Comme avec les oeuvres de cet autre illustrateur talentueux (Gilliam), visuellement, ça ne décolle que très rarement, hormis les trois scènes mentionnées, à juste titre, par Laurent, à laquelle j'ajouterai celle de la réouverture de l'échoppe de Mrs. Lovett. Enfin, bon cast, jusque dans les seconds rôles. Si j'étais Depp, je ferais attention toutefois: j'ai le sentiment que son personnage de Jack Sparrow déteint un peu sur sa performance sous les traits de Todd... A voir ce qu'il en fait lorsqu'il endosse un rôle moins "baroque", comme dans le prochain Michael Mann?... |