Attention SPOILER. Deux très bonnes idées qui structurent ce film: la première, qui est de ne pas nous refaire l'histoire telle qu'on la connaît plus ou moins déjà – la bande de joyeux voleurs au noble cœur qui vivent dans les arbres et tendent des embuscades aux gros bourgeois pleins d'écus d'or – mais de se situer "en amont" ou presque, en traçant, comme le revendique le dernier "carton" en insert, les origines de la légende. Cela permet de situer pleinement l'histoire dans le domaine historique et politique – assez peu épique, ai-je trouvé, malgré les quelques scènes (tiédasses, hélas) de baston mahousse; ce que Scott semble chercher à représenter, un peu comme dans "Kingdom of heaven", c'est avant tout une trame politique (où les Français, à part ça, ont le rôle des enfants de salauds, que ce soit dans "Robin" ou dans "Kingdom"...). Et il y a trop de "méchants" divers (qui finissent d'ailleurs par s'opposer eux-mêmes) pour que l'on soit dans l'épique (avec le Bien et le Mal)... non, on est vraiment dans une lecture qui s'essaie (avec plus ou moins de réussite) à la peinture "réaliste" d'enjeux multiples et contradictoires. La seconde idée: faire de Robin Longstride un vaurien courageux qui se retrouve dans une situation d'imposture, usurpant l'identité de Richard Loxley – pour des motifs premièrement personnels – se casser de France et revenir le plus vite possible sur le sol natal jouir de sa liberté – et ensuite plus étendus, pour protéger ceux qui l'ont accueilli (et avec qui il semble lié, on comprend en quoi par la suite) et se faire le héraut d'une certaine vision... politique, encore et toujours. Petit aparté: cette vision politique est bien sûr celle d'un certain fédéralisme à l'américaine, où le pouvoir central doit être limité le plus possible (sinon, il est tyrannique). Je ne sais pas si c'est historiquement cohérent avec le Moyen Age anglo-saxon. Après coup, la ligue des barons du nord m'a fait penser, plutôt, à nos chers Waldstätten... Et les défauts alors? Eh bien, d'abord, le fait est que les deux très bonnes idées auraient pu être exploitées encore mieux. Les enjeux politiques sont souvent bâclés, et sentent précisément la relecture tout à fait moderne (post-Bush, post-Irak) et américaine de la question. Plus encore, le statut d'usurpateur de Robin aurait pu (dû) mener à des situations de plus grande tension... sur ce point, on en reste essentiellement à un niveau. cette fois, de comédie de moeurs (j'insiste sur le terme comédie, car c'est sur ce ton que la thématique est principalement traitée), avec une tension développée dans une perspective domestique et interpersonnelle (Robin et Marianne, veuve du vrai Robert Loxley). Plus fondamentalement, c'est sur un plan esthétique que le film pèche. Mais là, je laisse peut-être d'autres que moi en parler... |
Ah, j'oubliais une autre bonne idée du film, la bande d'orphelins maraudeurs... avec leur masques quasi paniques, leurs irruptions, leurs courses... à la fois témoins, gardiens, sauveteurs... de belles séquences avec eux (sauf quand ils apparaissent dans le combat final sur la plage... sur leurs poneys ridicules... toute la force mythique qui se dégage d'eux tombe d'un seul coup...). |
Merci pour cette analyse! |
Merci en effet. Je suis entièrement d'accord avec toi sur le fait qu'une des qualités du film réside dans sa brochette de personnages secondaires assez réussis. Pour ce qui est du discours politique, on est malheureusement plus proche du Tea Party que d'Obamania, avec en gros des personnes, ultra middle class, qui, compte tenu de leur capacité à s'élever socialement ("rise and rise again") revendiquent le droit de vivre au beau milieu de la nature, dans les bois (rappelons que le film s'appelait à l'origine Nottingham...), et surtout sans payer de taxes. Il faut à cet égard voir Prince of Persia (je déconne, n'y aller pas) pour prendre la mesure de la prégnance de ce discours actuellement: le souhait de ne pas payer d'impôts n'est évoqué que... 4 fois! |
Il me faut signaler un truc que je viens de lire: le scénario original de Nottingham (qui est donc devenu ce Robin Hood) était en fait une sorte de version médiévale de CSI (D'où viennent les flèches? Où mènent ces traces de bottes?) où le personnage principal était le shérif luttant contre un terroriste planqué dans les bois. |
J'aime bien ce glissement d'une usurpation sans malice à une usurpation malicieuse, jusqu’au moment où finalement on devient celui qu'on prétendait être. J'aime aussi toute la trame politique et ce roi qu'on attend falot et qui se révèle pas mal, forcé de reremplir des caisses vidées par son frère, capable d'aller confronter ceux qui se rebellent contre lui. La fin est assez ridicule par contre (même si la fameuse charge des poneys est tombée dans la version Director's Cut) tout comme la plupart des dialogues français. Belle brochette d'acteurs par contre. |
belle séquence de danse communautaire, Max Von Sydow qui s'en sort pas trop mal, belle brochette de seconds rôles (Nottingham, Jean, le groupe de soldats…), relecture US de la petite proprio. A part ça, le plus mauvais film de Scott depuis des lustres (mais quel désastreux débarquement!). |