Le dernier Kitano. Hilarant et assez juste quant à la déroute de l’art contemporain et de son marché; un grand film burlesque, avec progression de la même idée, mais jusqu’à l’absurde (les velléités créatrices extrêmes de son héros, qui cherche à plaire au marchand de tableaux – fils et héritier de celui qui avait déjà arnaqué puis dépouillé le père riche du héros). Moults gags «à plans suivants» avec fous rires garantis en particulier tout ce qui a trait à l'école d'art branchée (l’action painting) et le jusque-boutisme fanatique du héros dans ses dernières années (incarné par le réalisateur lui-même). |
Cut & Past de mon commentaire Grottino 2009: C'est encore un film sur la création, mais cette fois dans une forme plus classique et tenue, suivant la vie d'un peintre à la poursuite du talent. Il y a quelques très rare moments de brillance dans ce film très sombre (il y a une outrance constante, mais qui ici fait plus désespoir que comédie - en tout cas, moi, ça ne m'a pas fait rire), qui est doublé d'une "réflexion" un peu con-con sur l'Art (limite café du commerce). Et ben.... c'est vu! Pour les honnêtes gens, c'est dispo en DVD japonais dans une édition qui a des sous-titres anglais. |
C'est drôle, car j'ai vu la première partie, autour de l'enfance (genre Madadayo), comme pas si «sombre». Comme souvent chez K., l'humour est hyper cruel, certes, mais sans cesse inscrit dans une scansion de la forme gag (façon «plan suivant»). La vigueur incroyable du film, sa tenue comme tu dis bien, procède justement de la distance progressive qu'il prend envers son personnage principal. Pas de pathos, et en même temps, via la musique, et les personnages secondaires (tendresse du père, de l'épouse…), l'émotion est bien là. Kitano et Chaplin, ça a souvent été dit, et ici ça marche très bien! Et la “réflexion” (je dirais plutôt la charge, avec la part de grossièreté qui lui est propre) porte moins sur l'art contemporain, au fond peu évoqué dans sa pulsion fondamentale (en plus c'est le cinéaste qui a réalisé toutes les toiles, assez réussies dans leurs inscriptions stylistiques respectives, du «peintre raté»!), que sur le milieu de l'art et les innombrables suiveurs qui y évoluent machinalement. Et sur ce point, la critique est assez poussée, du moins dans son champ d'action : les marchands, les acheteurs, les créateurs, tout le monde y passe. Même si… le marchand ne se trompe pas, au fond, dans ses goûts - ses commentaires sont montrés comme assez pertinents. Enfin, comme toujours chez Kitano, c'est la beauté elle-même qui est comme assombrie par l'échec, ce qui ne remet pas en question sa propre valeur mais lui apporte comme une touche asymptotique (l'idéal inatteignable). Et c'est là que surgit le lyrisme. Exemple le plus fort dans la filmo de K.: le feu d'artifice foiré de Hana-Bi. S'il fallait y voir tout de même une critique du devenir de l'art lui-même au XXe siècle, le discours de Kitano est au final assez emblématique d'une génération post-moderne hostile à l'incessante course moderniste vers l'avant. Sa position semble en fin de compte inscrite dans une défense de la spontanéité et de la naïveté, façon «art brut». On peut trouver ça simplet, mais c'est un postulat qui est assez bien structuré dans le film (le tableau du gamin qui se retrouve accroché; le talent incroyable du peintre-idiot du village). Contrairement à la vue naturaliste du port qui finit bien dans un café, comme l'avait annoncé le marchand. Ces nuances permettent de battre en brèche l'argument selon lequel le discours serait ici d'ordre «populiste». En outre, la violence du film vis-à-vis des mécanismes de l'art contemporain est particulièrement savoureuse si on pense qu'à Paris, le film est pris dans une série de manifestations autour de la peinture de Kitano, notamment dans le temple de Beaubourg… |