Je pense qu'on tient déjà la meilleure comédie de l'année. Difficile de ne pas penser à "Catch me if you can" en voyant ce film sur un serial-arnaqueur dépassé par ses propres talents. Mais "I love you Philipp Morris" s'en démarque heureusement par plusieurs aspects, qui font toute la qualité du film. Tout d'abord, bien sûr, la veine incroyablement burlesque (donc violente) qu'il emprunte souvent, avec un Carrey au sommet de son art (et chapeau aux costumiers!), et une mise en scène tout à fait aboutie, tant du point de vue de la construction des plans et des cadrages que de l'emploi du son (et notamment de la musique). Ensuite, quand bien même le film part sur une base semblable à celui de Spielberg – un enfant qui voit son image de la famille exploser, ce qui semble déterminer son parcours d'être aux mille visages sans racines –, il ne suit pas du tout, mais alors pas du tout son axe moral – "j'aimerais tant recoller les morceaux" – et affirme au contraire la volonté de toute-puissance hédonique du personnage principal, qui ne s'arrêtera jamais, jamais, jamais de faire ce qu'il veut, quand il le veut, comme il le veut, c'est-à-dire d'assembler les pièces comme bon lui semble ici et maintenant, et non pas comme elles l'ont peut-être été là-bas et autrefois. Enfin, le film joue avec certains codes esthétiques et poétiques afin de nous mener (momentanément) dans le bateau romantico-psychologisant-dramatique, pour les déjouer dans des pirouettes de dernière minute. A ce titre, certaines scènes où entre en jeu le personnage incarné par McGregor sont ultimes (toute la séquence autour du prisonnier qui éructe pendant la nuit et trouble le sommeil, et, surtout, celle où il apprend le "décès" de Carrey – absence des voix dans le dialogue, piano chopinesque, estompement progressif des bruits ambiants...). |
Une très grande comédie en effet, dont la mobilisation tous-azimut des codes renvoie ici au discours endossé par le personnage de Carrey, soit l'inexistence ouvertement dérisoire de toute vérité essentielle de l'être, de tout arrière-plan métaphysique ou substantielle de l'identité. L'orientation sexuelle, l'appartenance de classe, le statut social, le corps, tout cela est performatif, porté à l'existence par les actes et les pratiques et ne vaut que pour la signification qu'on lui assigne, dans le jeu toujours contraignant des rapports de pouvoir. A ce titre, le film est exemplaire d'intelligence, plaçant son personnage en constante relation de complicité, de soumission et surtout de tentative de subversion et de transgression d'avec les instances, les acteurs et les lieux institutionnalisés du pouvoir: église, police, prison, famille, tribunaux, corporation, tout y passe. Sans parler de l'idée de génie d'avoir pris Carrey dans ce rôle, l'individu polymorphe par excellence, celui dont la carrière toute entière mine continuellement le socle de la normativité identitaire américaine, la renvoyant aux conditions de ses torsions et de ses malformations. Pour la première fois peut-être, on peut remercier Luc Besson d'avoir rendu ce projet fou possible! |
Pour les métamorphoses de Carrey, je rappel qu'il est un Canadien naturalisé américain il y a quelques années à peine. |
Aussi: hum hum |
Si le film est indéniablement amusant, enlevé et bien troussé, je trouve que ce n'est que dans sa conclusion, son retour sur terre en quelque sorte, qu'il trouve soudain véritablement son gravitas. |
Désormais à votre disposition en dvd chez moi. |
et dire que ce personnage a vraiment existé...quel génie ! |