Ne vous fiez pas à l'abominable bande-annonce, ou au curriculum vitae de Guy Ritchie, sans doute l'un des cinéastes les plus vulgaires qui soit, ce Sherlock Holmes est un vrai miracle dont on sort enthousiasmé. Au antipodes complètes de mes attentes, ce film s'est en effet révélé, le plus souvent, léger, joyeux, spirituel, littéralement porté par un rythme alerte, mais ô surprise, compte tenu du passif impardonnable du réalisateur, sans frénésie stupide. Au contraire, on prend ici son temps, on nous plonge dans le règne des vitesses variables, des temporalités imaginées, planifiées, analysées, déjouées, revisitées. Mais le tout déroule gaiement au tempo d'une musique originale cohérente et dépouillée dans ses moyens expressifs, traversée de formidables accents gypsy-morriconiens - on y retrouve enfin la facette plus intime de Hans Zimmer, c'est-à-dire une capacité à constamment mêler l'ironie et la nostalgie; certes, le leitmotiv omniprésent est un sommet d'individualisation, mais il se fonde paradoxalement sur des cordes traditionnelles qui évoquent une sorte d'ethnicité, voire de communautarisme gitan archaïque. C'est d'ailleurs exactement cette quête de symbiose, très risquée au départ, qui se joue dans le personnage central, dévoré par une passion géniale et excessive pour les mystères du monde qui l'entoure et qu'il ne cesse d'observer, au point d'en devenir malade, qu'il s'agisse de science, d'art, de rituels sociaux ou de sport. Passion protéiforme, donc improbable, ou du moins impossible à tenir pour un seul cerveau, un seul corps. La rencontre entre ce personnage si difficile à interpréter, sur le papier, et la persona fantasque de Robert Downey est assurément la clé de voûte sur laquelle repose la réussite du film. Comme Johnny Depp en son temps, mais avec une crédibilité supplémentaire dans les séquences d'action, Downey, qui maîtrise le mouvement des sourcils et des maxillaires aussi bien que les nuances de la parole (volume, débit, intonation…), parvient à articuler une forme d'auto-dérision stylée british à une véritable sincérité émotionnelle. Servi par un découpage le plus fréquemment sobre et concentré sur les visages, son Holmes, qui n'a pas grand chose à voir avec celui de Conan Doyle, d'ailleurs, faisons-en le deuil - est une création exceptionnelle, au charisme chargé d'une allégresse communicative, et qui demeure sans cesse profondément humaine. Ce Holmes-là représente le parangon d'une sur-humanité en souffrance, le vrai fort, le pôle positif d'un esprit scientifique appliqué qui refuse la magie et le surnaturel, ces valeurs fallacieuses sous lesquelles les dictateurs en puissance masquent leur appui pourtant constant sur la technologie (c'est en gros le discours de base du film et, à l'heure des avatars à deux balles et trois dimensions, que ce discours fait du bien!) Il y a du Chaplin (que Downey, au passage, a interprété dans un biopic) dans cette jouissance évidente à associer constamment pensée et mouvement physique, dans ce héros tour à tour ludion acrobate se mêlant grimé à la foule et alchimiste fou enfermé dans son cabinet. Au premier plan des divers personnages secondaires, formidablement campés (les deux femmes, les flics couillon et compère…), se tient Watson, qui remplit justement cette fonction. Exactement comme dans «Un autre Dumas», sorti en même temps, le génie a besoin de son homme tranquille pour créer et il veut donc absolument l'empêcher de s'émanciper. Mais cette tension est aussi, évidemment, celle qui se joue, dans la mythologie masculine, entre ces deux univers inconciliables que sont le Travail et Famille. Lui, Holmes, en est en tout cas incapable, tout entièrement engoncé dans le déni de son obsession morbide pour la piquante monte-en-l'air Irene Adler, envoûtante créature aux ordres d'une troisième réalité, au-delà du bien et du mal (en réalité elle est conquise, dès le départ, mais ne pouvant l'avouer, elle aussi - voyez le genre de quiproquo). Cette complexité dans la représentation du couple produit d'ailleurs une courte séquence finale, sur fond d'un paysage londonien en pleine édification moderniste, peut-être la plus belle du film. Et, lorsque résonne la dernière phrase du film et que s'engage, irrésistible, le générique de fin, porté par l'entêtante fanfare du thème principal, impossible de ne pas désirer, plus que toute autre chose, cette suite annoncée qu'on espère à la hauteur de l'original. Ne manque qu'une seule chose: la cocaïne! Regrettable. |
Je ne sais pas très bien ce qui me retient de mettre quatre en définitive. Peut-être simplement le fait que c'est "juste" très réussi, mais pas époustouflant en terme de mise en scène (le montage du final de la séquence de la scie à cochons et par exemple bien cheap, on sent la green box à mort dans toute la séquence du pont, etc). Le film est par contre un très bon contre-exemple à ma théorie disant qu'Hollywood ne sait plus faire un blockbuster bien écrit et bien rythmé ce qui expliquerait la réception unanime d'un jeu vidéo comme Uncharted 2 qui ne fait qu'en reprendre les codes, mais avec application et succès. Mais à la fois, les Sherlock Holmes et autre Pirates des Caraïbes sont plus l'exception que la règle. |
2,5. Peut-être le fait de voir le film en DVD et non sur grand écran. J'ai beaucoup apprécié, mais sans être complètement convaincu. Bon, il faut surtout dire que j'ai vu ce film après m'être émerveillé avec "Fantastic Mr. Fox", alors... |
J'ai réussi à bâillonner SVC qui voulait mettre un rond noir (Sherlock Holmes qui fait des combats de boxe clandestin torse nu pfffff) et avouer que j'ai ri une ou deux fois. Ceci dit, j'admets ne pas réussir à faire abstraction de ma culture holmésienne. Le personnage de Downey est indéniablement autre chose, mais je n'arrive pas à m'y intéresser vraiment. |
J'ai lu des (tout?) Holmes il y a plusieurs dizaines d'années donc ma mémoire est un peu embrumée... mais n'est-il pas sensé être un très bon combattant? Genre il fait un art martial exotique style judo ou aikido? Je réponds à ma propre question: il est sensé être escrimeur, boxeur de talent, adepte du singlestick et du Bartitsu. |
re-lecture pas inintéressante du personnage mais on sent que ce 1er épisode n'est qu'un galop d'essai avant le 2ème film avec Moriarty n'ayant pas lu les romans de Conan Doyle, c'est la version de Miyazaki qui a durablement informé ma perception du personnage...souvenez-vous de cet épisode dans lequel Ms Hudson est enlevée par Moriarty et ses sbires qui tombent tous amoureux d'elle...une merveille de poésie ! |