Ben, comme prévu, c’est l’immense classe. Un film impressionnant non seulement d’abord par sa forme complexe : des reconstitutions brumeuses, presque scénico-oniriques, de la période de militantisme socialiste puis proto-fasciste du Duce vues par l’une de ses maîtresses des années 1910, femme qui se voit ensuite rejetée, bafouée, même spoliée de son identité, reconstitutions entrecoupées d’images d’archives, voire traversées d’étonnantes incrustations. Le film vaut ensuite par sa réflexivité phénoménale car développée avec une insistance à en devenir marteau (et faucille?). Combien de séquences, en effet, se déroulent-elles au final dans des salles de cinéma, ou face à des projections cinématographiques, comme pour relier la trajectoire de Mussolini à sa mythologie médiatique, avec laquelle il finit par se confondre complètement (il disparaît brutalement du film en tant que protagoniste, dès le moment de sa prise de pouvoir effective). Enfin, se jouent là de grandes performances d’acteur, en particulier de la part du mec halluciné qui joue le Duce jeune, puis son fils. Un vrai taré. Et 3'000 autres choses passionnantes à dire, par exemple sur la musique… |
La très grande classe en effet, avec 3000 choses à dire... Sans trop vouloir le réduire à cela, le film me semble interroger de façon exemplaire le cinéma (et à travers lui ses matières d'expression: images mouvante ou statique, mots, paroles déclamées, musique...) comme site de construction de l'hégémonie masculine, un site d'abord anticipé (la scène postcoïtale extraordinaire sur le balcon où le Duce en puissance projette déjà les conditions de sa performance dominatrice), produit ensuite (recherche de moyens financiers, débuts dans la presse, puis sur la pellicule), puis enfin pleinement réalisé (disparition du personnage au profit des images d'actualité) pour être transfiguré (le buste inamovible). Pas étonnant dès lors que la salle de cinéma, le lieu de la projection devienne le seul véritable site de lutte sémiotique, l'espace de la possibilité de se soustraire au pouvoir, de le discuter, de s'y opposer ou, évidemment, de s'y soumettre. Rares sont les films qui auront réussi cet équilibre fragile entre production de la figure masculine et dénaturalisation conjointe de sa performance par l'excès des moyens mis à son service. Voir à ce sujet l'invocation de la parodie par le fils, l'usage du montage, mais aussi le caractère emphatique de la musique... Et bien sûr, tout ce travail passe par la sujétion du corps féminin et de ses avatars, une dépossession des moyens de subsistance matériels, de la chair, de l'identité de la personne, jusqu'à la recherche inlassable de la preuve de la compromission du Duce avec cette femme (l'acte de mariage). Bon, et puis les premières 20 minutes du film sont certainement les plus belles qu'il m'ait été donné de voir au cinéma depuis bien longtemps. |
Frustré de ne pas avoir vu ce film en salle. Je le prête volontiers aux intéressés. |
moi ! quand/où ? |
Le film est impressionnant, mais peine à me convaincre complètement. J'aime la construction en ellipses, qui n'explique rien de ce qui ne concerne pas Dalzer directement, mais à la fois des articulations critiques du développement du personnage passent aussi à la trappe (elle se transforme d'amante aimante à psycho-bitch qui envoie des lettres à toute l'italie instantanément). J'aime la musique, mais à la place de Glass je ne saurai pas trop si c'est de l'hommage, du pastiche ou du plagiat. L'actrice est merveilleuse, mais pourquoi ne pas engager directement Marion Cotillard plutôt que son sosie? J'aime l'omniprésence du cinéma, mais il y a des moments, quand même, où entre archives en 24 images secondes pour faire plus archives, surimpressions pseudo expérimental d'époque et projections dans des lieux incongrus, on sent un peu trop le chausse-pied. On notera que la plus-part de ces réserves se manifestent surtout dans la première moitié du film. |